jeudi 28 juin 2012

Il faudra que je coure tooouuus les jooouuurs

Hier, quelqu'un a eu l'excellente idée de spammer mon fil d'actualité facebook avec un clip de quand j'avais 13 ans.
J'appelle à la barre : Dernière Danse, de Kyo [Alerte info: à la suite d'un débat houleux hier avec La Cigale - to be introduced - sur la présence ou non d'un espace avant le point d'interrogation, j'ai découvert qu'il en fallait aussi un avant deux points, malgré toutes les résistances que j'ai pu opposer à cette mode tout au long de ma vie. Je ne m'en remets toujours pas.]

Je disais donc, j'appelle à la barre : Dernière Danse, de Kyo. Mais comme une partie de ce contenu blabla visionner sur youtube, il va falloir le condamner par contumace. Et déjà, premier chef d'accusation pour harcèlement. Parce que le clip, c'est quand même un gars planté avec son groupe en face de la maison de la fille qui vient de le plaquer. C'est mignon un moment, ça peut même paraître romantique - avec un petit r hein - mais y'a un moment où ça devient carrément flippant. Parce que tout d'un coup, tu sais pas pourquoi - ce monde merveilleux du clip où tout est possible sans explications - y'a toutes les voitures qui s'arrêtent, et tout le monde vient se planter devant la maison de la meuf - et bien sûr, ils s'en tapent de bloquer la circulation hein, ils savent qu'on a pas commandé de flics dans le clip. Toujours est-il qu'au bout d'un moment, t'as l'impression d'un groupe de racketteurs qui vient t'attendre à la sortie du collège, et franchement, moi, ça me donnerait pas tellement envie d'aller me jeter dans les bras de celui que j'aime - et encore moins si je l'aime plus. Moi, j'aurais été la nana du chanteur, j'aurais appelé les flics direct. Mais ils ont pas engagé de flics dans le clip, c'est vrai. Et puis de toute façon, elle voit pas l'attroupement.
Par un merveilleux tour de passe-passe qu'il faudra que j'apprenne pour nier à mon voisin la présence de 15 personnes survoltées dans mon minuscule appartement surchauffé la nuit quand il essaie de dormir [ici vous pouvez reprendre votre souffle], quand la fille elle regarde par la fenêtre, elle voit que le chanteur. Mais alors le chanteur en mode looser grave. Je sais pas si je suis la seule à qui ça fait cet effet, mais par la fenêtre, je trouve qu'il fait vraiment pauvre mec. Et en même temps il a quelque chose dans le regard du stalker fou furieux prêt à se jeter contre la vitre d'un instant à l'autre. Bref, ce clip nous apporte au moins la réponse à la question de pourquoi elle l'a largué.
Bref, tout ça on s'en fout en fait. Là où je veux en venir c'est que, du coup, j'ai pu mesurer mes acquis en matière de maturité. Dans les vidéos suggérés, j'ai cliqué sur Sarah, toujours par Kyo, je me suis rappelée la frustration éprouvée dans mon enfance adolescence (il faut bien l'avouer) parce que y'avait le refrain dans la pub de l'album mais que j'avais jamais pu l'écouter, et je l'ai mise en boucle jusqu'à 4h30 du matin. Bon, j'ai aussi rédigé un autre article pour mon blog que je peux pas encore publier, mais je m'interrompais quand même toutes les cinq minutes pour remettre la vidéo. Tout ça mesdames-messieurs alors que j'étais censée rédiger ma lettre de motivation pour mon équivalence en science-politique. Et ce que je n'imaginais pas c'est que ce serait le début d'un long, looong cauchemar (et ça va l'être pour vous aussi si vous entreprenez de me lire).

- 9h20 : je me réveille vautrée sur la chauffeuse sur laquelle avait dormi le cousin de mon copain quelques jours auparavant. Je n'ai vraisemblablement pas eu l'énergie de déplier mon canapé-lit avant de m'endormir. Je m'effondre avec toute mon élégance de larve.
- Une heure comprise entre 10h30 et 11h30 qu'en fait, mon cerveau n'a pas analysée : je me réveille vautrée sur le lit. J'ai vraisemblablement eu l'énergie de déplier mon canapé-lit avant de me rendormir. Je regarde l'heure, voit qu'il y a un 1 au début et pas de 2 derrière et me dis que j'ai encore le temps. Mais j'arrive pas à me rendormir. Sans doute mon inconscient, il sait qu'en fait j'ai pas le temps.
- Quelques minutes après l'heure mystère : j'allume mon ordi, je vérifie : il faut que je rapporte mon dossier dument complété à la fac de droit entre 14h et 16h, aujourd'hui étant l'ultime délais. Je suis large, je traîne un peu, je farfouille surtout dans les modèles de lettre de motivation parce que, bordel, j'ai aucune idée de ce que je suis censée y mettre. Je fais un brouillon qui me déplaît pas trop. Je me dis que j'y reviendrai plus tard.
- 13h : Je décide qu'il est temps d'imprimer mon CV et le dossier à compléter. Je sors donc la cartouche d'encre achetée quelques jours plus tôt pour recharger mon imprimante. J'ouvre mon imprimante en attendant qu'elle me présente ses entrailles. Et là, horreur : elle bouffe du 251 alors que j'ai acheté du 256. Je me mets à la détester de tout mon être. Personne a idée d'être aussi difficile avec la nourriture.
- 13h10 : Je descends mon immeuble parce que j'ai de la chance : j'ai un vendeur de cartouches juste en bas de chez moi. Rectification: j'ai un vendeur de cartouches juste en bas de chez moi qui ferme entre 12h et 14h30.
- 13h09 : Je remarque avec terreur que j'ai un appel en absence de la part de mon agence immobilière. Wilfried qui me laisse un message pour m'annoncer qu'un client veut visiter mon appart à 16h30. Je jette un regard circulaire à mon appartement, note qu'il est relativement rangé. Ce qui, sur mon échelle, équivaut au largage de deux bombes atomiques. Je calcule mentalement le temps qu'il me faut pour revenir de la fac de droit et je réalise que ce sera vraiment, vraiment la merde. Je rappelle Wilfried. Wilfried est en pause déjeuner.
- 13h15 : Je me rappelle que sur mes bulletins de première année de prépa - parce que oui, je viens de prépa - j'ai réussi l'exploit d'être classée 18ième sur 17 en espagnol. Mais je n'aurais jamais réussi toute seule : j'ai eu durant mon année le précieux soutien des bugs informatiques qui m'ont attribué des notes fantômes dans cette matière que je ne suivais pas. Allez expliquer ça au service des équivalences. L'an dernier j'avais demandé à faire corriger ce problème, je devais récupérer mon véritable bulletin un peu plus tard. Sauf qu'un peu plus tard, c'était les vacances. Bref, je décide qu'au bout d'un an il est temps de régler le problème. Surtout que je dois faire photocopier mon diplôme du baccalauréat. Je prends le chemin du lycée.
- 13h25 : J'arrive couverte de sueur devant la vie scolaire. Elle est fermée.
- 13h30 : J'arrive couverte de sueur devant le secrétariat. Il est fermé.
- 13h35 : Je prends le chemin du retour, désespérée. Le secrétariat ouvre à 14h, juste le temps de prendre un sandwich, j'ai chaud, je suis fatiguée, j'ai chaud, j'ai faim, j'ai chaud. Miracle entre tous les miracles : je croise l'adjointe de direction CPGE, ce qui est encore plus un miracle considérant qu'en deux ans de prépa je n'ai fini par l'identifier que la semaine dernière.
- 13h45 : Mes bulletins de première année dans les mains, je vais joyeusement à la photocopieuse. C'est l'occasion pour moi de constater qu'ils n'ont jamais été corrigés. J'ai fait tout ça pour rien, heureusement que je vais pouvoir photocopier mon diplôme du bac. Ah ben tiens, je l'ai oublié.
- 13h55 : J'achète un sandwich, parce que putain j'ai faim. Et un granita menthe, parce que putain j'ai soif et putain j'ai chaud.
- 14h05 : Je me dis que Wilfried doit avoir fini sa pause, entreprends de le rappeler. Puis je m'aperçois qu'il est déjà en train de me rappeler. J'opte pour une demi-vérité et m'invente un entretien à 16h à la fac de droit, d'une durée indéterminée (bah oui, on sait pas combien de temps ça peut prendre de déposer un dossier hein... - hypocrisie qui se révèlerait machiavéliquement juste). Il me propose de repousser d'un heure, promet de me rappeler au plus vite... Les hommes et leurs promesses...
- 14h35 : Après m'être résignée à rédiger une note manuscrite pour expliquer mon classement original en espagnol et m'être rappelée combien il est difficile d'écrire droit sur une page blanche, je descends acheter de l'encre en bas de chez moi. De la 251. Ou de la 250, je sais plus. Les deux étaient noires, les deux me manquaient, j'ai pris la plus grosse en croisant les doigts.
- 14h45 : La 251 - ou la 250, je sais plus - était la bonne. En revanche, mon imprimante ne débordait pas de dynamisme. Je remplis le dossier, à l'exception des parties que je ne comprenais pas comment remplir : c'est-à-dire la moitié.
- 15h10 : J'ai fini de recopier ma lettre de motivation, qui dans l'urgence, est passée directement du stade brouillon au stade modèle final. Tant pis, j'ai pas la place d'étoffer de toute façon.
- 15h15 : Je sais que j'ai vu passer des timbres là l'autre jour, mais où ils sont putain !?
- 15h18 : Je suis face à l'ultimatum suprême : abandonner après avoir passé tout ce temps à chercher, ou continuer à chercher en prenant le risque de ne jamais trouver. Je pense à la Poste et au fait qu'il faut acheter les timbres par carnets. Je continue à chercher.
- 15h20 : Je finis par trouver les timbres. Maintenant j'ai perdu mes clefs.
- 15h30 : Je finis par trouver un centre de photocopie pour mon baccalauréat (oui j'ai fait une ellipse, parce qu'à mon avis y'a pas que pour moi que ça devient chiant à ce stade).
- 15h40 : J'arrive à côté de la fac de droit. Je sais qu'elle est là, je la sens, je la vois. Je ne sais pas par où on rentre.
- 15h50 : J'ai fini par trouver l'entrée, l'accueil, la clim, bref, je me dis que mon calvaire est enfin fini. Sauf que la femme de l'accueil savait pas et m'a renvoyée vers la femme de la bibliothèque qui à l'évidence savait encore moins.
- 15h58 : Après avoir répété 5 fois que non, je ne voulais pas rentrer en master mais en licence 3, que je ne voulais pas rentrer en droit mais en science politique, que ce n'était pas une inscription mais une demande d'équivalence, après plusieurs appels hasardeux et un retour à l'accueil, on finit par m'apprendre que je suis dans le mauvais bâtiment. Apparemment on s'inscrit pas en science po dans le bâtiment de science-po.
- 16h01 : J'arrive dans le bon bâtiment.
- 16h03 : J'arrive devant le bon service. Il est fermé. Depuis 16h.
- 16h04 : Comme je restais à fixer la porte close telle le lapin fixant les phares de la voiture qui va l'écraser, une femme dans le même cas que moi vient me soutenir dans ma peine.
- 16h05 : On croise la femme à qui on devait parler. On l'interpelle. Elle nous claque presque la porte au nez, chaque parcelle de son corps suintant le désir de pourrir la vie aux étudiants, sans doute afin de compenser ses propres échecs dans ses études en urbanisme qu'elle n'a pas su mener à bien en raison d'un complexe œudipien non résolu car son père alcoolique est mort quand elle avait cinq ans en laissant derrière lui une famille ruinée, et nous dit que c'est fermé, qu'elle est occupée - ahahahah - qu'il faut revenir mardi, mais que de toute façon les demandes d'équivalence c'est fini depuis mai. J'ai envie de gueuler "je sais qu'il y a une deuxième commission, grosse guedin", mais je réalise que guedin ne veut pas dire ce que je veux dire, et de toute façon ça ne me vient pas sur le coup.
- 16h10 : Après avoir raccompagné l'autre fille à l'arrêt de tram le plus proche, je me repasse mentalement, dans ma tête, tous les trucs qui auraient pu me faire gagner les 3 minutes fatidiques: ne pas acheter un sandwich, ne pas manger ce sandwich, comprendre dès le début qu'ils auraient oublié de corriger mes bulletins à la prépa, ne pas oublier mon diplôme du bac en y allant, rentrer dans le bon bâtiment dès le début, être tombée sur une bibliothécaire plus douée, avoir rédigé ma lettre de motivation la veille au soir au lieu d'écouter Kyo. Je décide que la femme des inscriptions est rien qu'une grognasse sans cœur qui fouette les bébés sur sa pause de midi et que tout est de sa faute. Et en plus, c'est vrai : faut pas déconner non plus.
- 16h20 : Je rentre chez moi, enlève les vêtements qui avaient entrepris de fusionner avec ma peau et n'éprouve qu'une seule et violente envie : me jeter sur mon lit. Puis je me souviens de Wilfried et de son client. Je replie mon lit avec un pincement au cœur.
- 16h30 : Je finis par me décider à toucher aux affaires de KGB (aka mon copain) pour les ranger. Je me rends compte qu'il a beaaaucoup de place sur ses étagères. Je décide de fourrer pèle-mêle tout ce que je trouve sur ses étagères.
- 16h35 : Je me retiens à l'ultime moment d'y glisser le concentré de tomate et les bouteilles de bière vides entre le tire-bouchon et ma convocation aux concours. On a quand même une place pour ça. En attendant, KGB risque d'avoir un choc en rentrant.
- 17h20 : J'attends un homme qui ne rappelle pas, dans la douleur de l'abandon. Je désespère d'entendre la voix de Wilfried. Pour panser les plaies de mon cœur, je décide de me lancer dans la rédaction de cet article.
- 17h50 : J'ai un message. Karma, le genre de fille a écrire des vrais blogs de biatchs, même le genre de fille à porter les vrais blogs de biatchs sur elle comme un papier peint, manifeste son désir profond, charnel, de nourriture. Nous nous comprenons à demi-mots, je me prépare mentalement à aller à MacDo.
- 18h10 : Karma porte tellement les vrais blogs de biatchs sur elle comme un papier peint qu'elle s'est fait arrêter par la photographe d'un site, selon toute évidence, de biatchs. Du coup, je l'attends, et ça me permet de contraster son pur style avec ma pure décrépitude de fille qui a couru aux quatre coins de la ville sous 30 degrés toute la journée.
- 18h20 : Au moment de régler ma commande, on m'apprend que ma carte est bloquée. Yaaaahooooou !
- 19h35 : Je suis rentrée chez moi. Wilfried n'est jamais venu. Je noie mon chagrin en allant chercher le Colissimo qui attend sagement dans ma boîte aux lettres depuis quelques jours. Le porte-clefs que nécessite cette opération sert actuellement de fermoir à un loooooong bracelet de perles que La Cigale m'avait cassé. Mais bon, si je ne fais pas de geste brusque, ça ne risque rien.
- 19h36 : Je répands une bonne moitié l'intégralité (ssshhh c'est pas vrai mais ça sonne mieux) de mon bracelet de perles dans le couloir.
- 19h37 : La plus grande partie des perles a choisi d'élire domicile entre mon appartement et celui des voisins que je déteste. Je me demande quelle tête ils feraient s'ils choisissaient d'ouvrir la porte à ce moment-là et qu'ils me voyaient à quatre pattes devant leur porte en train de ramasser des perles sur leur paillasson.
- 19h38 : Je constate que leur paillasson comporte une quantité non-négligeable de rognures d'ongles. Eûrk.
- 19h39 : Je suis à l'autre bout du couloir. Ca roule vraiment loin, ces conneries.
- 19h42 : Après avoir manqué de me retourner l'ongle en ouvrant mon Colissimo, je décide officiellement que la mesure est comble, et que je refuse de faire quoi que ce soit d'autre de cette journée. Alors je me cale devant mon ordinateur, je reprends l'article que j'ai abandonné pour aller me gaver d'un hamburger que j'ai même pas aimé, et je tape. Je tape, je tape, je tape.
- 20h53 : Je me rends compte que j'ai beaucoup trop écrit. Beaucoup, beaucoup, beaucoup trop. Mais putain vous pouvez pas savoir quel besoin j'avais de raconter cette journée de merde à tout le monde.
- 20h54 : Je réalise que j'ai vraiment chaud. Je décide d'arrêter d'écrire pour aller prendre une douche, mais je sais très bien qu'à peine l'ordi posé je vais m'étaler de tout mon long sur le canapé pour une durée indéfinie. Je repense à Kyo et à tout le malheur que j'aurais pu m'épargner si seulement j'avais fait ma lettre de motivation à l'avance au lieu d'écouter Sarah.
- 20h57 : Il est temps de vérifier ma théorie sur la fatalité qui veut que je me vautre sur place avec une bière au lieu de me rafraîchir plus sainement. J'appuie sur publier.

- 21h34 : J'ai fini de relire cet article en corrigeant des fautes au fur et à mesure, en rajoutant 2-3 commentaires. C'est comme ça, j'ai besoin de voir le résultat avant de peaufiner, j'ai toujours détesté relire un devoir avant de le rendre. Pour résoudre l'énigme, tout ce que vous avez besoin de savoir est: il restait une bière dans le frigo. Bon, je suis pas si faible hein, j'ai quand même pris une douche au final. En même temps, se renverser une bière dessus, ça aide à se motiver...

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