lundi 5 novembre 2012

Premiers émois vidéoludiques

L'autre nuit, je me suis prise à rêver d'une partie... d'Hotel Giant. Hotel Giant. De très passable en 2002, ce jeu est devenu mauvais avec son clone de 2008 audacieusement baptisé "2". En matière de jeux de gestion, on est ici face à une babiole parfaitement anecdotique. Mais que voulez-vous, on ne refait pas ses souvenirs.

Pourquoi la mémoire de ce jeu est-elle subitement revenue à la surface vous demanderez-vous (mais si si, vous vous le demandez, ça me permet de faire une introduction, s'il vous plaît) ? Outre le fait que mon ambition secrète (comprendre rêve de petite fille lvl 5) est d'ouvrir un hôtel à Las Vegas, il faut savoir qu'Hotel Giant a participé à mes premiers émois vidéoludiques.

Back in the days when I was 11. Le jour de Noël, j'obtiens de la part de ma grand-mère un étrange paquet, qui me laisse sceptique à l'issue de l'épreuve de la palpation. Je l'ouvre donc et découvre trois jaquettes de jeux vidéo, ce qui éveille en moi une profonde tristesse, que j'éprouve encore en y repensant : je n'ai pas d'ordinateur, ma grand-mère s'est trompée, elle a pris ça pour autre chose, je me sens atrocement mal. C'est comme ça que l'on m'a annoncé qu'on allait acheter un PC "familial" (comprendre que je prêterai occasionnellement à ma mère en surveillant de très près et avec exaspération sa vitesse de frappe), ce qui a certainement dû me réjouir mais qui restera toujours enseveli sous la douleur encore vive de ma première pensée. Non mais vraiment, quelle cruauté, on n'a pas idée !
Bref, quittons ce sujet encore sensible, et venons-en au fait. Ces trois jaquettes, qui m'avaient inspiré tant de désespoir puis tant d'enthousiasme, je m'en souviendrai toute ma vie. Il y avait celle des Chevaliers de Baphomet III : Le Manuscrit de Voynich, de Age of Empire II et, vous l'aurez sans doute deviné, d'Hotel Giant. Je vous annonce donc hautement que le tout premier jeu auquel j'ai joué à titre personnel était le troisième épisode des Chevaliers de Baphomet, dont je garde encore les souvenirs les plus délicieux. Comme cette salle, au début du jeu, dans laquelle je suis restée coincée pas moins de deux heures, avec comme fond sonore un bruit ATROCE de machine qui grésillait, bruit qui qui plus est buggait atrocement si bien que même en quittant le jeu mon ordinateur continuait à ksrksrkser et que j'étais obligée de l'éteindre pour offrir quelque répit à ma conscience endolorie. C'était une époque où je n'avais pas encore internet et où l'Alt-Tab sur jeuxvideo.com ne me libérait pas si facilement d'un concours d'auto-tamponneuses entre mes neurones. Quelquefois je regrette ce temps-là où je me cassais vraiment la tête sur les énigmes sans abandonner d'un haussement d'épaules au bout de 5 minutes de com[cu]binages d'objets infructueux. Mais putain qu'est-ce que j'en ai bavé.
Finalement, au bout d'interminables heures de ksrksrksrtage dans le plus parfait des désespoirs, j'ai poussé une caisse au hasard dans la pièce, j'ai inséré un objet lambda de forme phallique dans une cavité, et c'est comme ça que j'ai compris le principe des jeux d'aventure. Aujourd'hui encore, quand j'entends Brian Basco me dire dans Runaway 2 : The Dream of the Turtle "Je suis toujours étonné de voir ce que j'arrive à accomplir sans savoir ce que je fais", je ne peux m'empêcher d'acquiescer du plus profond de mon cœur.
Mais le pire restait encore les "scènes d'action", et en particulier une dont je garderai toujours le souvenir : Georges Stobbart, notre héros à l'accent bien trop éminemment anglais, devant fuir dans un souterrain le pistolet de Petra, une russe à l'accent non moins douteux. Une scène qui m'aurait fait m'arracher les cheveux si je n'avais pas dû enfoncer la touche "courir". En soi, rien de bien extraordinaire me direz-vous, et c'est aussi ce que j'en ai pensé, jusqu'à ce que le tunnel fasse un PUTAIN DE COUDE DE SA MERE LA GOLDEN RETRIEVER. Car ce qu'il faut savoir, c'est que les Chevaliers de Baphomet, dans leur épisode III, avaient décidé d'abandonner le point & clic classique de leurs débuts au profit d'un déplacement au clavier dans un univers en trois dimensions. Tout benef' et diantrement plus dynamique me direz-vous (oui oui, vous dites beaucoup de choses sans y consentir), et c'est aussi ce que j'en ai pensé, jusqu'à ce que le tunnel fasse un PUTAIN DE COUDE DE SA MERE LA GOLDEN RETRIEVER. Car qui dit coude dit changement de caméra, et qui dit changement de caméra dit que la droite de votre écran devient le bas de votre écran, alors que malheureusement la touche droite de votre clavier reste toujours, inévitablement, la touche droite de votre clavier (j'ai essayé, rien n'y fait). C'est comme ça que j'ai découvert comment activer les touches rémanentes sous XP. Du coup, cet abruti de Georges se prenait systématiquement la paroi en pleine gueule au tournant, avant de se prendre systématiquement la balle de Petra en pleine poitrine en se retournant. Et bien sûr, sans nous épargner le succin mais haut en couleurs accents échange de formalités pré-règlement de compte.
Ceci dit, cela ne vaut pas de jouer aux Chevaliers de Baphomet sur un ordi buggé.

En effet, j'avais voulu à l'époque faire partager ma découverte à mes meilleurs amis, qui semblaient intéressés par le jeu. Le problème, c'est que leur carte graphique semblait, elle, plus que passablement enthousiaste. Ce n'était pas un gros problème en-dehors des cinématiques, mais cela eu la faculté de rendre la scène sus-citée officiellement mythique. Représentez-vous à présent le meurtre auquel j'ai tant de fois assisté : une blondasse menaçant un anglais imberbe d'un flingue, lui lançant un tragique "adieu, Georges" ou quelque chose du genre juste avant que la balle ne parte et ne projette notre héros en arrière sous le coup de l'impact. Bien, bien, ce n'est pas tout à fait ça, mais je ne vais pas ergoter sur votre visualisation. Maintenant, je vais vous demander un petit effort supplémentaire : vous me faites la même, mais avec le son en décalé. Le coup qui part et, cinq bonnes secondes plus tard, Georges qui part en arrière.

C'est la balle la plus lente de toute l'histoire de l'Humanité.

Ou plutôt, c'est à une balle ce que le badminton est au tennis. Mais avec la même force de frappe.
Nous avons beaucoup rit, donc, sur ces images qui allaient défiler devant nous encore et encore jusqu'à ce que finalement, au bout d'interminables souffrances et relais de course touches, notre calvaire (qui fut tout de même nettement moins long que celui que je dus affronter la première fois, en individuel) prenne fin. Nous avons finalement sorti Georges de ce tunnel vivant, et tout cela pour qu'il aille se refoutre le cou dans des emmerdes pas possibles, à base de temples souterrains au milieu de la jungle où faire un pas de travers vous projetait le plafond sur la figure.
Passage d'autant plus crispant que j'ai retapé un quart d'heure de jeu (ça va, je me plains pas, hier j'ai paumé ma sauvegarde de Runaway 2, j'avais rien enregistré en 3h30) juste parce que j'avais sauté un bout de dialogue qui avait l'air important. Je veux dire... Il était là quoi, avec Nico, la jolie brune (il faut bien de la meuf) qui l'accompagnait dans ses aventures, et avec qui tu sentais cette sorte de tension, cette attirance... Il est là, sur le point de risquer sa vie, et il lui dit "Nico, je voulais que tu saches, si jamais il m'arrive quoi que ce soit..."

Un quart d'heure plus tard j'ai découvert ce qu'il avait de si important à lui dire.
Un quart d'heure plus tard j'ai admiré toute l'étendue de ses sentiments.
Un quart d'heure plus tard j'ai voulu tordre son petit cou vidéoludique.

"... je te lègue ma collection de Tintin".
Sale bâtard.
Jamais je n'ai autant détesté un personnage de jeu vidéo.

(Et oui, je sais Georges, ça te laisse sur le cul de te faire traiter de la sorte, mais c'est bien mérité !)


Dans mon souvenir, le reste du jeu s'est passé sans grande encombre, et hormis quelques énigmes résolues plus qu'aléatoirement, c'est resté l'une de mes références favorites.

Pour ce qui est de Age of Empire II, je n'aurai pas grand-chose à raconter, à part peut-être ma grande passion pour les éléphants de guerre perses et, bien entendu, le chant inoubliable des moines.


Sinon, ma grande passion consistait à construire des murs de pierre tout autour des villes ennemies, installer mes trébuchets derrière, détruire tout ce qui passait à portée, puis reconstruire des murs plus près, avancer mes trébuchets et ainsi de suite. Technique de siège très réaliste, vous en conviendrez (oupah).

Quant à Hotel Giant, il faut bien y revenir, il était sans doute très moyen mais il m'a beaucoup amusée. Je passais des heures dans la section "études de marché" qui attisaient en moi un intérêt incompréhensible étant donné l'utilité concrètement limitée de cette section. Je suivais mes clients à longueur de journée et m'acharnait à créer spas et salles de réunion parfaitement symétriques, une manie qui d'ailleurs ne m'a jamais quittée dans aucun jeu de gestion. Je vis comme un échec personnel le fait que mes sims n'aient pas deux chambres aux dimensions identiques et je refuse d'offrir à mes 37 gazelles de Zoo Tycoon plus de place qu'à mes 2 koalas.

Puis, petit à petit, mes aventures vidéoludiques se sont diversifiées, et je ne saurais avoir de souvenirs précis dans la profusion qui suivit. Hormis, peut-être, quand j'ai remis le couvert avec les Chevaliers de Baphomet IV : Les Gardiens du Temple de Salomon. Et non, malgré les excellentes émotions que m'ont procurées les pérégrinations de Georges et Nico dans le précédent opus, je n'ai pas fini ce jeu, et ce pour une raison simple : faute d'ordinateur pour le faire tourner.
C'est drôle deux minutes de voir des mâchoires et des yeux s'agiter dans le vide pendant les cinématiques, mais ça l'est nettement moins quand il s'agit de traverser des scènes en temps limité alors qu'on a un décalage de plusieurs secondes entre les commandes au clavier et l'image à l'écran. Alors quoi ? J'ai fini par me lancer dans les Runaway. Beaucoup plus légers pour ma lopette d'ordi, très agréables, beaucoup d'humour et de références bien trouvées. Chaque personnage est un stéréotype ravissant, notre héros n'est pas toujours très malin, et l'auto-dérision fait loi. Mais quoi..!
Pour moi il leur manquera toujours d'être les Chevaliers de Baphomet.

Les souvenirs ont ce pouvoir-là d'écraser même la raison.
J'aimerai toujours Hotel Giant.

1 commentaire:

  1. Well, I have to say, your writing certainly has a zaniness with a dash of wise ass to it that I find quite enjoyable. Reminds me a tad bit of a friend back in America... She is my adopted Grandmother actually (yep! I adopted her). But shes written a couple books one actually winning a few awards. Her writing and yours share a lot of similar notes.

    It's rather interesting though that you're into management games as those were and still are my favorite type of games. My first real management game when I was a kid that I can remember was Aerobiz on SNES, Sim Tower (remember that one?) ... I of course went through the castle building, kill enemy games as well, Stronghold and the like. But then I fell in love with games like Day of the Tentacle, India Jones and the Fate of Atlantis, Kings Quest etc... Hah.

    Although the last management strategy type game I played that was certainly a new type for me was Factorio.. that one is pretty interesting for sure. Tried playing a Story/Puzzle game called The Whispered World awhile back... beautiful game, couldn't finish it though.

    Google Translate for the win eh? Glad I got to read a bit of your writing!

    -ネイサン

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